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Étranger et entrepreneur en France : quels sont vos droits ?

« Il est de principe que les étrangers jouissent en France des droits qui ne leur sont pas spécialement refusés »[1]

Un entrepreneur étranger ne peut pas, a priori, entreprendre en France au même titre qu’un entrepreneur français ou un ressortissant des Etats membres de l’Union européenne et de l’Espace économique européen ou de la Confédération Suisse ou d’un pays signataire d’un accord de réciprocité (ex, Andorre, Monaco, etc.).

Il est important de rappeler que, bien que certains emplois et professions restent encore inaccessibles aux personnes de nationalité étrangère, la tendance est à l’élimination de ces barrières et à une diminution drastique de ces interdictions[2]. Subsistent toutefois quelques activités commerciales (ex, débitants de tabac, exploitants individuels et dirigeants d’entreprises de sécurité dans le secteur privé, etc.) et professions libérales (ex, architectes, pharmaciens, vétérinaires, etc.) prisées pour lesquelles la condition de nationalité est maintenue.

Lorsque l’entrepreneur étranger dispose de la liste des activités et professions interdites d’accès, il doit encore vérifier si l’activité envisagée n’est pas une activité réglementée, c’est-à-dire, accessible aux personnes ayant obtenus des diplômes, expériences professionnelles ou autorisations administratives en France. Pour les ressortissants étrangers résidant en France, l’accès aux activités réglementées sans condition de nationalité pourra être facilité contrairement aux ressortissants étrangers résidant hors de France. Pour ces derniers, il faudra donc prévoir du temps de formation en France.

Dès que l’entrepreneur étranger s’est assuré qu’il peut entreprendre dans une activité ou profession déterminée, il devra accomplir des formalités administratives complémentaires en fonction de son statut.

Le ressortissant étranger résidant en France

Si le ressortissant étranger réside en France, il a l’obligation de détenir un titre de séjour lui permettant d’exercer son activité tel que (i) la carte de résident (« classique », « longue durée UE », « certificat de résidence » et « permanent ») ou (ii) la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », « passeport-talent », « entrepreneur/profession libérale ». Même en présence d’un récépissé, d’une autorisation provisoire de séjour ou d’un visa long séjour valant titre de séjour dont les mentions permettent l’exercice de l’activité envisagée, l’entrepreneur étranger peut déclarer et commencer son activité en France, à charge pour lui de régulariser sa situation ultérieurement.

En revanche, si la détention d’un titre de séjour mention « salarié » ou « étudiant » peut, dans de rares cas, ne pas être un obstacle à la déclaration d’une activité en qualité de micro-entrepreneur, en aucun cas elle ne permettra de créer une société civile ou commerciale ou d’être le dirigeant d’une telle société.

Le ressortissant étranger résidant hors de France

Grâce à la loi n°2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, il n’est plus fait obligation au ressortissant étranger qui exerce une activité commerciale, industrielle ou artisanale d’effectuer une déclaration préfectorale avant de s’installer. L’abandon de cette formalité déclarative a permis de faciliter l’entreprenariat en France de toute personne de nationalité étrangère résidant hors de France.

Pour cette catégorie de personnes, il est tout à fait possible d’investir en France, quelle que soit la forme de l’investissement (prise de participation, création, reprise, à titre individuel), sous réserve de justifier de leurs identité, nationalité et résidence à l’étranger afin d’être exempté de la production de l’un des cinq titres de séjour susmentionnés. En pratique, une copie du passeport et d’un certificat de résidence de moins de trois mois suffisent à satisfaire cette exigence.

Le statut de la société étrangère en France

En principe, les sociétés étrangères sont reconnues en France et traitées de la même manière que les sociétés françaises sauf dispositions contraires et dans la limite de leurs capacités de jouissance et d’exercice permises par leur loi nationale. Elles sont protégées contre toutes mesures discriminatoires visant à entraver l’exercice normal de leur activité économique[3].

Lorsqu’une société étrangère décide d’établir une succursale, une agence ou un bureau de liaison en France, elle doit créer un établissement auprès du Registre National des Entreprises (« RNE ») et respecter la règlementation sur les investissements étrangers. Cet établissement, même s’il dispose d’une certaine autonomie de gestion et d’administration, n’a pas de personnalité juridique ni de patrimoine distinct de la société étrangère et n’est pas considéré comme une société commerciale. En d’autres termes, la succursale est dépendante de la société étrangère dont elle émane avec toutes les conséquences que cela comporte. En revanche, quelques avantages fiscaux, comptables et administratifs devraient convaincre les ressortissants étrangers de privilégier cette voie afin de tâter le terrain de l’économie française avant de s’y installer durablement.

Une fois ces différentes formalités administratives acquises, l’entrepreneur étranger dispose des mêmes droits que l’entrepreneur français pour entreprendre en France.

Le ressortissant étranger peut exercer à titre individuel (micro-entrepreneur, entreprise individuelle) ou dans le cadre d’une société ou groupe de sociétés. Il peut également être dirigeant d’une société de droit français ou de droit étranger disposant d’une succursale en France.

De plus, l’entrepreneur étranger peut enregistrer un nom de marque, un domaine, un brevet ou tout autre invention/création auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), bénéficier d’une couverture d’assurance (ex, responsabilité civile des dirigeants, responsabilité civile des risques d’exploitation, etc.) et de certaines aides à la création/reprise de sociétés sous réserve de remplir les critères d’obtention.

En revanche, l’entrepreneur étranger aura plus de chances d’être confronté aux réticences des institutions bancaires pour l’ouverture d’un compte bancaire et l’accès au financement par rapport à un entrepreneur français. En effet, le droit au compte bancaire n’est pas garanti aux ressortissants étrangers, personnes physique et morale, résidant à l’étranger. Dans pareille situation, l’intéressé devra compter sur certaines banques d’affaires bien identifiées pour ouvrir son compte bancaire. A défaut, il pourra toujours se tourner vers une banque en ligne, moins contraignante. De même, au moment de la création de la société, l’entrepreneur étranger résidant à l’étranger pourra effectuer le dépôt de son capital social chez un Notaire ou à la Caisse des dépôts et consignations qui se chargeront de délivrer une attestation de dépôt à remettre au guichet unique du RNE. Une fois la société créée, l’extrait K-bis délivré par le RNE permettra à l’entrepreneur de bénéficier du droit au compte en qualité de personne morale domiciliée en France.

Pour finir, les entrepreneurs étrangers ne devraient plus hésiter à conquérir le marché français, 7ème puissance économique mondiale, et poursuivre l’internationalisation de leur entreprise s’ils exercent déjà à l’étranger. De plus, ils ont la possibilité d’être accompagnés par de nombreux dispositifs publics et privés (ex, BPI France, Réseau entreprendre, ADIE, etc.) ou professionnels (ex, avocats, experts-comptables, etc.) afin de définir et évaluer la viabilité économique du projet.

Par Maître OGOUBI AKILOTAN Amandine,

Avocat Associée chez PanAssociés AARPI


[1] Arrêt Lefait (Cass. civ., 27 juillet 1948)

[2] « Liste des emplois fermés aux étrangers en 2022 », Gisti.org [lien]

[3] articles 225-1 et 225-2 du code pénal

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